Une évolution majeure dans la diffusion des annonces immobilières
L’arrivée des annonces de vente entre particuliers sur SeLoger, plateforme historiquement dédiée aux professionnels, a marqué un tournant dans le secteur immobilier. Lancée discrètement en 2023, cette ouverture de la plateforme aux particuliers a reconfiguré les habitudes de publication, redistribué les cartes de la visibilité en ligne et suscité des réactions diverses chez les acteurs traditionnels.
Deux ans après son implémentation, cette initiative continue de produire des effets mesurables sur le comportement des vendeurs, sur les tarifs pratiqués dans certaines régions et sur la place des agents immobiliers dans le parcours de transaction.
L’objectif de SeLoger : capter un segment de marché en croissance
Historiquement positionné comme un portail d’annonces pour les agences immobilières, SeLoger a observé la montée en puissance de plateformes 100 % entre particuliers comme Leboncoin, PAP ou Zefir. En intégrant cette possibilité, SeLoger a cherché à retenir une part des vendeurs souhaitant éviter les frais d’agence, tout en capturant une audience plus large.
Cette ouverture s’est accompagnée :
- D’un formulaire simplifié de dépôt d’annonces
- D’une tarification fixe pour les particuliers
- D’un filtrage spécifique pour distinguer particuliers et pros
- D’une intégration dans les résultats de recherche, au même titre que les annonces d’agences
Comportement des vendeurs : un basculement partiel, mais structurant
Selon les dernières données publiées par le groupe Aviv (maison-mère de SeLoger), environ 12 % des annonces de vente publiées sur la plateforme en 2025 provenaient de particuliers, contre 0 % avant 2023. Cette part reste minoritaire, mais elle représente des dizaines de milliers de biens visibles simultanément, notamment dans les grandes agglomérations et zones rurales périurbaines.
Les profils les plus actifs sur ce canal sont :
- Les propriétaires expérimentés, souvent multi-acquéreurs
- Les vendeurs dans des zones tendues, où la demande dépasse largement l’offre
- Les particuliers ayant déjà un acquéreur en vue mais souhaitant publier pour maximiser l’exposition
Quel impact sur les professionnels de l’immobilier ?
1. Moins de mandat exclusif, plus de concurrence directe
L’un des effets immédiats observés a été une baisse du volume de mandats exclusifs dans certaines zones. Les propriétaires testent d’abord le marché en direct, avant de faire appel à un professionnel. Cette pratique a allongé les cycles de vente, notamment pour les biens atypiques ou surestimés.
2. Une pression sur la valeur perçue du service
Avec l’accès direct à une plateforme de référence, certains vendeurs remettent en question la valeur ajoutée de l’agence. Les professionnels doivent désormais justifier plus concrètement leurs honoraires en mettant en avant leur rôle dans :
- L’évaluation précise du bien (ACM)
- La sécurisation juridique de la vente
- La gestion des visites qualifiées
- La négociation
3. Un réajustement stratégique des agences
Certaines agences ont adapté leur discours, en adoptant une approche hybride : accompagnement personnalisé, mandat simple, services à la carte. D’autres ont renforcé leur présence locale et leur capacité à générer du lead via des outils comme MoteurImmo ou des CRM plus puissants.
Influence sur les prix : effet limité mais visible localement
L’arrivée des annonces de particuliers n’a pas bouleversé les prix à l’échelle nationale, mais elle a produit des tensions locales.
Exemple 1 : zones périurbaines
Dans certaines communes périurbaines, l’arrivée massive d’annonces entre particuliers a créé une pression à la baisse sur les prix affichés, les vendeurs n’ayant pas toujours une connaissance fine du marché. Cela a généré un étalement de l’offre et une forme de désalignement avec la réalité des ventes réalisées.
Exemple 2 : grandes villes
À Paris, Lyon ou Bordeaux, les annonces de particuliers ont été plus sélectives, souvent concentrées sur des biens bien situés et sans défaut majeur. Les prix affichés y sont restés alignés avec les niveaux du marché, voire légèrement surévalués, en raison d’un manque de recul sur les transactions.
Données statistiques clés (2023–2025)
- 12 % des annonces publiées sur SeLoger en 2025 étaient issues de particuliers
- 43 % des vendeurs particuliers publient d’abord sur plusieurs plateformes simultanément (source : Enquête IFOP 2024)
- Le taux de transformation des annonces de particuliers est estimé à moins de 30 % sans recours ultérieur à un professionnel
- Le temps moyen de vente d’un bien entre particuliers est plus long de 3 à 6 semaines par rapport à une vente via agence (source : Moteurimmo)
Comportement des acheteurs : entre méfiance et curiosité
Du côté des acquéreurs, l’intérêt pour les annonces de particuliers est réel, notamment en raison de l’absence de frais d’agence. Toutefois, plusieurs obstacles limitent encore leur impact :
- Doute sur la qualité des diagnostics et documents fournis
- Moins de réactivité et de disponibilité sur les visites
- Négociation plus difficile en l’absence d’intermédiaire
Selon une étude de SeLoger de début 2025, 61 % des acheteurs préfèrent toujours passer par un professionnel pour sécuriser leur acquisition, malgré la visibilité des annonces entre particuliers.
Une tendance appelée à durer ?
L’ajout des particuliers sur SeLoger ne représente pas une révolution, mais une réponse stratégique à l’évolution du marché. Cette nouvelle dynamique pourrait continuer à évoluer sous certaines conditions :
- Montée en puissance d’offres de services aux particuliers (diagnostics, photos pro, accompagnement à la vente)
- Déploiement de solutions freemium ou à la carte
- Ouverture d’autres portails professionnels à ce modèle hybride
Pour les professionnels, cela nécessite de renforcer la valeur ajoutée perçue de leur accompagnement, en mettant en avant les outils, la transparence, la rapidité et la sécurisation juridique qu’ils apportent.
Un nouvel équilibre entre pros et particuliers
Deux ans après l’ouverture de SeLoger aux annonces de particuliers, le marché immobilier français a intégré cette nouveauté sans basculement radical. Pour les professionnels, le défi est de reprendre la main sur la pédagogie du marché, en valorisant leur savoir-faire, leur expertise locale, et les outils qu’ils mobilisent pour vendre mieux et plus vite.
