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Investir dans une passoire thermique : une stratégie de valorisation durable ?

Une opportunité en mutation : les passoires thermiques dans le viseur des investisseurs

L’immobilier est en pleine transition. Alors que le climat économique est marqué par l’inflation, la hausse des taux et un marché en tension, une tendance inattendue émerge : l’intérêt croissant des investisseurs pour les logements énergivores, souvent désignés sous le terme de passoires thermiques.

Selon les dernières données de l’Ademe (2023), environ 4,8 millions de logements en France sont classés F ou G au diagnostic de performance énergétique (DPE), représentant près de 17 % du parc résidentiel. Ces biens, historiquement dévalorisés, deviennent désormais des cibles stratégiques pour des investisseurs à la recherche de décotes et de plus-values futures.

Mais cette stratégie est-elle viable ? Et surtout, est-elle durable ?


Définition et encadrement des passoires thermiques

En France, un logement est qualifié de passoire thermique s’il obtient une étiquette F ou G au DPE, c’est-à-dire qu’il consomme plus de 331 kWh/m²/an d’énergie primaire.

Les causes sont multiples :

  • Mauvaise isolation (toiture, murs, planchers)
  • Systèmes de chauffage obsolètes
  • Simple vitrage
  • Ventilation inefficace

Depuis la réforme du DPE en 2021, cette évaluation est devenue opposable juridiquement, renforçant son importance dans les transactions immobilières.


Le cadre réglementaire : une pression croissante sur les propriétaires

La loi Climat et Résilience, promulguée en août 2021, prévoit un calendrier progressif d’interdiction de mise en location des passoires thermiques, sauf rénovation :

  • 2025 : interdiction de location pour les logements classés G
  • 2028 : pour les logements classés F
  • 2034 : pour les logements classés E

En parallèle, les augmentations de loyer sont gelées pour ces biens, et le locataire peut exiger des travaux si le logement est jugé indécent thermiquement (selon le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021).

Ce durcissement législatif a fait chuter la valeur de marché des logements classés F ou G, créant ainsi un effet d’aubaine pour les investisseurs.


Pourquoi investir dans une passoire thermique ?

1. Un prix d’achat décoté

Selon les données des notaires de France (2024), les biens classés F ou G se vendent en moyenne 10 à 20 % moins cher que des logements similaires mieux classés. Dans certaines zones rurales, cette décote peut atteindre jusqu’à 30 %.

2. Un fort potentiel de valorisation

La rénovation énergétique d’un bien peut entraîner un saut de deux à trois classes DPE, ce qui augmente sa valeur patrimoniale et locative. Une étude de l’Observatoire National de la Rénovation Énergétique (ONRE) indique qu’un logement rénové peut gagner jusqu’à 20 % de valeur à la revente.

3. Une stratégie d’investissement à long terme

Dans un contexte où la performance énergétique devient un critère central de valorisation immobilière, investir dans une passoire thermique et la rénover constitue un pari sur l’avenir du parc immobilier durable.

➡️ À lire aussi : Estimer les travaux de rénovation immobilière : méthode, prix et pièges à éviter


Les travaux indispensables pour sortir de l’étiquette F ou G

Isolation thermique

C’est le premier levier de performance. Il concerne :

  • Les combles
  • Les murs (intérieurs ou par l’extérieur)
  • Les planchers bas

Remplacement des menuiseries

Passer au double ou triple vitrage permet de réduire les déperditions et d’améliorer le confort thermique.

Chauffage et ventilation

Le remplacement des chaudières à fioul ou gaz par des systèmes plus performants (pompe à chaleur, chaudière à condensation, poêle à granulés) est incontournable.

Étanchéité à l’air et régulation

L’installation de VMC double flux, de thermostats intelligents et la suppression des ponts thermiques optimisent les gains énergétiques.

💡 Pour obtenir une étiquette D ou mieux, un bouquet de travaux est souvent nécessaire, plutôt qu’une seule intervention.


Le coût des travaux : un frein… ou un levier ?

Rénover une passoire thermique représente un investissement conséquent. Selon l’Ademe, le coût moyen d’une rénovation globale performante varie entre 400 et 700 €/m², soit 40 000 à 70 000 € pour un bien de 100 m².

Cependant, ces travaux peuvent :

  • Être déduits fiscalement (dans certains régimes réels)
  • Donner droit à des subventions ou des primes
  • Valoriser significativement le bien sur le marché

Le retour sur investissement ne se mesure pas uniquement en euros, mais aussi en :

  • Réduction des charges (factures d’énergie)
  • Meilleure location (valeur verte, confort, attractivité)
  • Durabilité patrimoniale

Quelles aides pour financer les travaux de rénovation énergétique ?

MaPrimeRénov’

Dispositif phare piloté par l’Anah, MaPrimeRénov’ permet d’obtenir jusqu’à 70 000 € de subvention pour les rénovations globales, en fonction des revenus et des gains énergétiques attendus.

👉 Source : https://www.maprimerenov.gouv.fr

Éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ)

Jusqu’à 50 000 € de prêt sans intérêt, remboursable sur 20 ans, pour les travaux éligibles.

TVA réduite

Les travaux réalisés par une entreprise RGE dans un logement de plus de 2 ans bénéficient d’une TVA à 5,5 %.

Certificats d’économie d’énergie (CEE)

Des primes versées par les fournisseurs d’énergie peuvent venir compléter le financement.

Loc’Avantages

En contrepartie de loyers modérés, ce dispositif propose une réduction d’impôt jusqu’à 65 % des revenus locatifs, cumulable avec les aides à la rénovation.

➡️ À lire : Maprimerenov en 2025 : un dispositif à l’épreuve des réalités du terrain


Des risques à anticiper

Investir dans une passoire thermique n’est pas sans risques. Les principaux sont :

  • Sous-estimation des coûts réels de travaux
  • Surévaluation des aides disponibles
  • Délais de chantier allongés
  • Absence de valorisation réelle à la revente si le DPE reste faible

Il est donc recommandé de :

  • Réaliser un audit énergétique préalable
  • Travailler avec des artisans certifiés RGE
  • Budgétiser un matelas de sécurité de 15 à 20 %

Une dynamique réglementaire durable : la transition énergétique du parc immobilier

L’Union européenne prévoit la neutralité carbone à horizon 2050. En France, cela passe par la rénovation énergétique de 500 000 logements par an. L’objectif est de sortir progressivement l’ensemble du parc de l’étiquette F ou G.

Cette dynamique rend l’investissement dans les passoires thermiques conforme aux enjeux environnementaux et réglementaires, tout en alignant les intérêts économiques avec ceux du climat.


Une stratégie à haut potentiel… à condition d’être bien préparé

Investir dans une passoire thermique peut sembler paradoxal. Pourtant, dans un marché en mutation, ces biens deviennent des actifs stratégiques à fort levier de création de valeur.

En combinant prix d’acquisition décoté, rénovation énergétique performante et aides publiques bien utilisées, il est possible de transformer un logement énergivore en bien attractif, rentable et durable.

Mais cette stratégie ne s’improvise pas. Elle nécessite :

  • Une évaluation précise du bien et de ses besoins
  • Un plan de travaux structuré
  • Un montage financier optimisé

Ainsi, investir dans une passoire thermique devient non seulement un projet immobilier, mais aussi un engagement patrimonial et environnemental.


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